L'été. Sa chaleur étouffante et ses nombreux départs en vacances qui, tous deux, dépeuplent nos tables de jeu avec une aisance déconcertante.
Voilà une période idéale pour se plonger dans des lectures diverses et variées (livres de règles Jeu de Rôle, d’univers, campagnes, romans, BD, mangas, Comic-books, etc.) propres à nous divertir et à nous faire oublier nos soucis quotidiens.
Quoi de tel, quand la chaleur estivale est au rendez-vous (nda : j’ai commencé la rédaction de cet article un 16 juillet) qu’un bon livre à la main ?Que l’on feuillette avec indolence à l'ombre. Au frais. De préférence avec un verre bien frais de limonade (ou de bière, selon ses préférences) à portée de main.
Dans cet état d'esprit, je me suis récemment lancé dans la lecture du Lord of the Ring RPG, naguère édité par Decipher Games et traduit en français par les vieux routards d'Hexagonal. Mes amis, ce fut une excellente surprise. Mieux ! Ce jeu fut une révélation ! Voici pourquoi...
I. UN PEU D'HISTOIRE :
Troisième JDR officiel basé sur
l'univers fantastique imaginé par J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux JDR fit partie des nombreux produits dérivés accompagnant la sortie de la trilogie de Peter Jackson au
cinéma, entre noël 2000 et 2002.
L'éditeur qui acquit la licence, Decipher Games, publia également un Jeu de Cartes à Collectionner (JCC), basé sur les images du film, tandis qu'un autre éditeur américain, Sabertooth games, proposa un jeu de figurines à collectionner sur le modèle de Heroclix.
Osons-le dire : l'exploitation de la licence fut malheureuse. Très peu d'ambitions dans les suppléments proposés. Beaucoup d'opportunisme. Decipher saborda sa création en éditant des suppléments bourrés de photos, beaux certes mais désespérément creux et en disséminant des informations techniques utiles dans plusieurs suppléments.
Pire ! De façon inexplicable, les rares suppléments intéressants (Isengard, Moria Boxed Set), ne furent jamais traduits en français.
Ainsi, Decipher loupa le coche et resta loin en dessous d'ICE qui publia plusieurs suppléments de haute tenue sur l'univers des Terres du Milieu. De toute façon, les puristes le savent, pour une réelle fidélité aux écrits du maître, il vaut mieux se tourner vers les productions "amateur", réalisées par des passionnés de l'oeuvre originale, loin de toutes considérations pécuniaires et marketing.
En France, deux remarquables JDRA sont incontournables pour les fans (et les autres) :
- Tiers Age de Jean-Philippe Jaworski (Te Deum pour un massacre et les romans "Janua Vera" et "Gagner la guerre")
- et Terre des Héros, d'Olivier Legrand (Solomon Kane, Imperium, et une bonne dizaine d'autres JDRA, de très grande tenue).
II. LA FORET QUI CACHAIT L'ARBRE :
Ainsi, Le Seigneur des Anneaux JDR n'est pas, loin s'en faut, la meilleure adaptation qui soit de l’œuvre de Tolkien. Mais en revanche, quel système !
Ni novateur ni original, le CODA system ne réinvente pas la roue, bien au contraire. Mais il est d'une efficacité exemplaire. Fluide, simple et classique à la fois, le résultat est des plus plaisants.
Avant de poursuivre, il convient de pointer tout de suite LE défaut le plus criant de ce jeu. Avec un aplomb et un manque de scrupules remarquables/scandaleux (rayez la mention inutile), les auteurs du système ont carrément pompé le D20 system de Wizards of the Coast. Entièrement ! Seuls les noms et termes techniques changent pour des raisons de copyright. Ainsi, les jets de sauvegarde deviennent des "reactions". Le charisme est renommé "Bearing" (en français, prestance). Les classes deviennent des "orders" et les classes de prestiges des "elite orders". L’agilité est renommée "Nimbleness" (vivacité) ; la sagesse, "wits" (esprit). La classe d'armure est rebaptisée "defence", etc. J'en passe et des meilleures
A ce stade d'énumération, vous devez probablement, amis lecteurs vous demander quel intérêt peut donc bien avoir ce jeu ?
(ci-dessus : le responsable marketing de Decipher Games chargé de la branche Jeux de Rôles. Brrrr...)
III. LA GUERRE DES CLONES
Eh bien, en fait, comparé à son illustre modèle (D&D donc), le CODA System recèle plusieurs ingrédients qui le différencient, le caractérisent et lui apportent sa personnalité.
- primo : le jeu n'utilise que 2D6 pour résoudre toutes les actions au lieu de l'habituel set de dés polyédriques. Adieu, dés à quatre, six, huit, dix, douze et vingt faces. Deux petits dés cubiques suffisent pour pourvoir gérer toutes les actions des joueurs, celles des retors PNJ et des monstres sournois que leur opposera le MJ. De même, ces 2D6 suffiront pour résoudre les résultats des combats et surmonter (ou pas) les épreuves prévues dans les scénarios.
Du coup, les échelles et seuils de difficulté ont été révisés pour pouvoir se gérer avec 2D6 au lieu d'1D20. Les matheux noteront au passage que l'usage de deux dés permet d'augmenter les probabilités de résultats moyens au détriment des extrêmes. Par conséquent, les bonus aux compétences prennent d'avantage de valeur.
Sceptiques ? Essayez vous-mêmes, mes amis ! Lors de votre prochaine partie de D&D, remplacez l'éternel D20 par 2D10 que vous additionnerez. La différence saute aux yeux ! Votre bonus de +8 au combat prend un relief étonnant et la crainte d’un mauvais jet de dés s’atténue (même si elle reste présente). Croyez-moi, faites le test, vous m’en direz des nouvelles !
Secundo : dans The Lord of the Ring RPG, pratiquement toutes les règles tiennent dans un seul et unique volume, beau et tout en couleurs certes, mais aussi et surtout, beaucoup moins épais que les trois volumes de base de D&D. De plus, contrairement aux volumes 3.0 et 3.5 de D&D, les règles sont ici rédigées avec un souci de concision et de clarté des plus appréciables. Les conseils de jeu et de maîtrise, notamment, sont de bien meilleures qualité que ceux présents dans les Guide du Maître des Magiciens de la Côte, tout en prenant beaucoup moins de pages.
A ce stade de ma critique, cependant un bémol s’impose. En effet, il existe plusieurs ajouts de règles édités à part du livre de base :
- un bestiaire ("fell beasts and wondrous Magic") ;
- un guide consacré à la magie ("Paths of the Wise") ;
- une description plus complète du peuple nain (le livret "Dwarves of Middle Earth", qui se trouve dans la "Moria Boxed Set") ;
- et peut-être d'autres encore, que je n'ai pas encore eu le plaisir de découvrir.
Définitivement, c'est là un choix éditorial regrettable (parmi d’autres) de la part de Decipher Games, éditeur qui a d'ailleurs laissé tomber le JDR depuis.
Tertio : au-delà du plagiat du D20 system (procédé que d'aucuns trouveront détestables), plusieurs petits mécanismes additionnels viennent apporter leur saveur au jeu et lui permettent de se différencier (un peu). Ce sont :
- des caractéristiques secondaires telles que le Renom (qui mesure le prestige et la réputation du PJ) ou encore la Corruption, qui détermine si le personnage passe à l'ennemi ou non. C’est-à-dire, en clair, s'il reste un PJ ou si le joueur le perd pour qu’il devienne un PNJ (comme dans Star Wars D6, en fait).
- L'usage de points de Courage, qui viennent apporter un coup de pouce providentiel aux PJ. Là encore, on pense à la Force de Star Wars D6. Ou aux Points de Destin de Warhammer.
- Le remplacement des points de vie par des niveaux de santé ("étourdi", "blessé", "diminué", etc.) et des seuils de fatigue ("essouflé", "fatigué", "usé", etc.). A noter (très bonne idée !) que tous deux apportent des malus cumulatifs aux PJ au fur et à mesure de leurs épreuves.
Quatro, enfin : j’ai été sensible à la volonté réelle des auteurs de vouloir coller tant bien que mal à l’œuvre de Tolkien. Certes, ils n’y arrivent pas avec ce système « dé-et-desque » qui se présente à nous masqué . Mais enfin, voilà un jeu beaucoup moins extravagant que la moyenne des jeux de fantasy américains (Everquest, Forgotten realms, Eberron, World of Warcraft RPG, etc.).
En voulant coller à l’œuvre de Tolkien, les auteurs nous proposent finalement de jouer dans un univers de fantasy à la saveur classique, beaucoup moins déluré et fourre-tout que la moyenne, ce qui est, ma foi, assez agréable. Clairement, c’est là une question de goût éminemment subjective, mais enfin ! Lire un jeu de fantasy sans monstres issus des folklores sumériens, gréco-romains ou encore indous, eh bien, cela fait un bien fou !
Petite cerise sur le gâteau, je le redis, la présentation, tout en couleurs, est somptueuse et la maquette est claire et lisible. Le tout se lit avec plaisir et confort.
Pour toutes ces raisons, le CODA system m’a emballé et me ferait presque lâcher, le temps d’une ou deux parties, mon Savage Worlds fétiche.
IV. LET THE ADVENTURE BEGINS !
On pourrait formuler bien des critiques sur ce seigneur des anneaux RPG. Les règles pourraient être mieux organisées, plus didactiques. Les bonus sont innombrables et imposent, à la création d’un personnage d’effectuer de nombreux va-et-vient au sien du livre.
Mais pour faire découvrir le jeu de rôle, voilà un jeu qui mérite tout notre intérêt à nous, les vieux grognards. Le souffle de l’aventure est là.
On peut jouer des elfes (surpuissants, comme dans la première édition de Warhammer RPG), des humains, des hobbits sans peur et des nains tenaces et rancuniers.
Affronter les orcs du Mordor.
Combattre les araignées de Mirkwood.
Explorer les ruines hantées du Nord.
Visiter Rivendell.
Le tout avec un indéniable parfum D&D dû aux règles, qui horrifiera les puristes mais devrait séduire les habitués du D20 system, en terrain connu.
Là où le bat blesse vraiment, c’est que le jeu n’est plus édité depuis plusieurs années par Decipher, qu’il n’est plus non plus édité/soutenu par Hexagonal et que les divers exemplaires du jeu et de ses suppléments, tant en VO qu’en VF, se retrouvent dans les bacs à soldes des magasins. Bref, tout laisserait à croire que cet article parait trop tard. N’est-ce pas ?
Sauf que…
Sauf qu’il existe une version SRD entièrement gratuite du Coda System !!!
Téléchargeable ici : http://home.mchsi.com/~gandalfofborg/bsr.html
Forte de 308 pages, elle est de surcroît générique et universelle ! En effet, le CODA system fut également utilisé par Decipher Games lorsque l’éditeur américain acquit la licence Star Trek pour en faire un Jeu de Rôle.
La version SRD propose donc des règles pour pouvoir gérer des armes à feu, ou bien énergétiques (laser, plasma, etc.), mais aussi concevoir, piloter des vaisseaux spatiaux, gérer des combats navales/spatiaux et créer des planètes voire des systèmes solaires entiers !
Du coup, la question de la fidélité ou non à l’œuvre de Tolkien ne se pose plus. Voici donc le CODA SYSTEM . V. 1.8.14 ! Un excellent système de JDR, générique, customisable à loisir, selon vos goûts et mieux encore : GRATUIT !
Aussi, amis rôlistes, je vous y invite et vous y encourage, téléchargez illico cette nouvelle version. Lisez-la, imprimez-là. Montrez là à vos amis. Mieux encore, préparez-vous un petit scénario et invitez ces mêmes amis, ; le temps d’une partie, autour d’une table de jeu pour le tester avec vous.
Bons jeux à tous et à toutes !
POUR EN SAVOIR PLUS :
Impossible de passer à côté de la fiche du GROG : http://www.legrog.org/jeu.jsp?id=2178
Le site amha propose une description rapide et bien faite des divers JDR officiels : http://www.amha.fr/3811-les-jeux-de-role-et-le-seigneur-des-anneaux.html
Fan de Tolkien ? Ne passez pas à côté du site http://www.tolkientown.com/ : des goodies à n'en plus finir ; des idées cadeaux par dizaines...