I. DE L'UNIVERSEL A L'EXTRAORDINAIRE ou comment les systèmes de règles génériques peuvent transcender les
genres...
S'il y a bien quelque chose de génial avec les systèmes de règles génériques, c'est leur volonté d'universalité. Souplesse des règles. Versatilité du système. Choix d'englober tous les genres :
magie, technologie, psioniques, santé mentale, etcetera.
Cette approche ouvre en effet de multiples perspectives, à la seule condition que des MJ inspirés aient le "courage" (les "tripes", comme on dit dans Savage
Worlds) de "s'emparer" des règles, de les malmener, de les pousser dans leurs derniers retranchements.
Se faisant, ils peuvent donner vie à toutes sortes de délires, mélangeant allégremment les genres ("Eh, les gars ! Un p'tit crossover vampires-cyberpunk-médiéval-fantastique, ça vous
dit, hum ?") ou bien inventant de toutes pièces des univers uniques en leur genre.
En vérité, ce sont ces expérimentations, parfois osées, voire franchement délirantes qui donnent tout son sens au terme "générique".
Ainsi, GURPS proposa le
fameux "Bunnies and Burrows", où l'on joue des lapins intelligents et doués de raison, voire de parole (ce supplément éait en fait l'adaptation d'un précédent JDR publié par Fantasy
Games Unlimited à la toute fin des années 70 - voir la couverture ci-contre).
On peut citer également, "GURPS Goblins", l'évocation d'un XIXe siècle parallèle où Londres est peuplée de Gobelins difformes et totalement irresponsables, accumulant les
pires bétises et synthétisant toutes les tares de l'espèce humaine (cupidité, lacheté, envie, luxure, etc.).
Autre exemple de JDR totalement loufoque, BESM nous gratifia d'un "Cute and Fuzzy cock-fighting Seizure Monsters" ("Pokemon" en JDR, ça vous dit quelque chose ?) ou
encore d'un "Big Ears, Small Mouses" (ou comment jouer des souris intelligentes dans un monde de dessin animé).
En fait, j'en viens à penser qu'un système de règles n'est vraiment générique et universel que lorsqu'il permet d'expérimenter. De jouer dans des univers totalement loufoques et/ou
inhabituels, très loin des univers "classiques" du JDR. Et que ça marche !
II. WONDERLAND NO MORE, "l'autre" pays des Merveilles :
Et c'est ainsi que j'en viens à vous parler del'épatant Wonderland No More, soutenu par Triple Ace Games (qui a mis en vente sur son site une campagne de 48 pages, intitulée "the egg of seven parts").
Wonderland No More (WNM en abrégé) est une adaptation très personnelle de l'univers onirique et absurde de Lewis Caroll, revu et corrigé par deux
auteurs talentueux : Kevin L. Anderson et Lanse Tryon, et basé sur les règles de Savage worlds.
WNM propose aux joueurs d'incarner des personnages du pays imaginaire : des soldats "carte-à-jouer" ; des animaux parlants (crapauds, lapins, marmottes, blaireaux, etc.) et
portant redingote, veste et chapeau haut de forme ; des plantes vivantes ; des pions de jeux d'échec. Bref, toutes sortes de créatures bizarres... Et même des humains !
Mais le tout se passe dans un univers bien plus sinistre et inquiétant que dans les romans originaux, et qui peut s'avérer tout à fait violent et dangereux.
Ainsi, la courte nouvelle d'introduction présentée sur le site personnel des auteurs donne le ton. On y voit un lapin blanc abattu à coups de mitraillettes par des soldats carte-à-jouer. "Mince, clame l'un d'eux, ce n'était pas le bon
lapin blanc !". Et ces derniers de repartir en chasse, traquant le lapin blanc d'Alice. Face à eux, vos personnages seront loin d'être désarmés et pourront se
défendreà coups de rapière, de gourdin, d'épée longue, de pelle et de seau, voire de fusil à pompe (jetez un bref coup d'oeil aux personnages pré-tirés : un régal d'humour noir et bien tordu !).
Pour faire court, "Wonderland has gone wrong" (en français : "le pays des merveilles a mal tourné") ainsi que nous l'annonce la publicité de "the egg of seven parts". Vos joueurs vont donc avoir leur part d'aventure et de dangers !
III. INSPIRATIONS ET REFLEXIONS :
La principale source, naturellement, ce sont les deux livres écrits par Lewis Caroll (de son vrai nom Charles L. Dodgson) : "Alice au pays des merveilles" (1865) et "De l'autre
côté du miroir" (1871). A ces deux ouvrages, il convient de rajouter le formidable travail accompli par l'illustrateur John Tenniel. Ses créations ont une telle force, une telle
personnalité qu'elles sont devenues indissociables du récit de Caroll. Elles servirent notamment d'inspiration pour les créatifs de Walt Disney. D'ailleurs, WNM reprend
allégrement les dessins de Tenniel, tombés dans le domaine public. D'autres illustrateurs, comme Arthur Rackam, mirent tout leur talent au service de l'univers étrange de Lewis Caroll.
Est-il besoin de rappeler l'histoire de la jeune Alice, perdue au pays des Merveilles ? Ses rencontres avec le Chapelier fou, avec le lièvre de mars, avec la Reine de Coeur
("Qu'on lui traaaanche la tête !"). A priori, non, tant l'oeuvre de Caroll a durablement frappé les imaginations, notamment à travers l'excellent dessin animé de Walt Disney (1951).
Il faut dire que ses deux romans se prêtent à une foule d'interprétations : l'apparente leçon de morale dispensée aux jeunes lecteurs ne saurait dissimuler l'inquiétante étrangeté des lieux et
des personnages qu'Alice rencontre dans ses périples. Au fil de la lecture, le pays des Merveilles (Wonderland en VO) se révèle être un lieu de dérèglement, de folie érigée en norme incontestable
et d'excès en tous genres, L'absurde et l'ironie, l'humour sarcastique cotoient la cruauté et l'amoralité de nombreux protagonistes. L'ambiguité est omniprésente. Sans oublier l'aspect
sexuel sous-jacent (comme dans pratiquement tout conte de fée et/ou fable) : Alice est une adolescente. Elle n'est plus une enfant , pas encore une femme...
Enfin, sachez qu'il existe bien d'autres adaptations tant cinématographiques (Tim Burton himself prépare sa version d'Alice. Sortie prévue en 2010 !), qu'animées, sans oublier
d'innombrables bandes dessinées, recueils d'illustrations, séries animées, téléfims et autres créations, qui explorent, chacune à leur manière, l'univers si particulier de l'écrivain
britannique. Toutes peuvent fournir d'excellentes sources d'inspiration pour le MJ en panne d'idées.
IV. LES RESSOURCES :
Elles sont disponibles sur deux sites.
Tout d'abord, sur celui de Triple Ace Games, qui consacre au jeu une page
dédiée. Les fans y trouveront deux modèles de feuille de personnage, une aide de jeu pour "the egg of seven parts", des personnages prétirés (le document fait 19
pages), deux cartes (une pour le Pays des Merveilles, l'autre pour le Pays de l'Autre côté du miroir), un scénario ("A sticky situation") et enfin, des figurines en carton, à
imprimer et à monter soi-même.
Pour télécharger ces goodies, rendez-vous à l'adresse ci-dessous :
http://www.tripleacegames.com/WonderlandNoMore.php
Ensuite, sur le site des deux auteurs (http://www.azathoth.co.uk/), où vous trouverez d'autres personnages prétirés (sept en tout), de nouvelles variantes pour la feuille de personnage (par Jessica Tryon et Brian Stiltz), deux scénarios
"One Sheet" ("Pumpkin", un scénario spécial Halloween et "the black kitten"), un troisième scénario plus conséquent ("The Crown of Alice") et enfin, un deck de 54
cartes d'aventure, spécial WNM.
Enfin, les anglophones seront ravis de pouvoir télécharger gratuitement le texte intégral des romans de Lewis Caroll sur le site Project Gutenberg : "Alice's adventures in wonderland"et
"Through the looking glass and what Alice found there".
Pour les francophones, je vous recommande le n° 79 du webzine "le café
pédagogique", qui consacre un dossier complet et très intéressant sur l'écrivain. Egalement, le dossier artistique du Théâtre de
Thouars, à l'occasion d'une adaptatation théatrale du livre.
Et pour finir, ne manquez pas de consulter le dossier très complet figurant sur le site Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Alice_au_pays_des_merveilles. Vous y trouverez quantité d'informations additionnelles !
Il ne me reste plus sur ces derniers mots qu'à vous souhaiter...
... Bons downloads et bons jeux !