Découvert sur le site de l'éditeur américain Iron Crown
Enterprise, Aecyr Gréneest un nouveau décor prêt-à-jouer pour vos campagnes médiévales-fantastiques. Un univers médiéval et celtisant,
marqué notamment par un usage abondant des langues mortes saxonnes et gaélique/galloise (je ne suis pas sûr pour ces deux dernières influences, et préfère laisser à un spécialiste le
soin de juger) pour concevoir les noms des lieux et protagonistes principaux.
Assez bien conçu, relativement bien détaillé, Aecyr Gréne est un petit bijou d'originalité, où l'usage de la langue et de l'écriture se conjugue pour emmener le lecteur
dans un autre monde. Un monde à la fois rude, violent et mystérieux. Un monde ancien et marqué par la guerre. Un univers imaginaire : Coryn.
I. LES REGLES :
Dès la page d'accueil, l'auteur, Cormac Doyle, émet le souhait que sa création puisse être employée/réutilisée de manière "générique", c'est-à-dire, avec n'importe quel système de
règles (True 20, GURPS, dK system, Savage Worlds, bien entendu, etc.).
Néanmoins, les quelques données techniques qui peuvent apparaître proviennent toutes de HARP, le système qu'il a choisi pour mener sa campagne. Qu'est-ce que
HARP, me demanderez-vous ? Eh bien, il s'agit du "High Adventure Role Playing
system", soit la dernière mouture, grandement simplifiée, du système de règles fétiche de l'éditeur Iron Crown Enterprise. J'ai nommé le célèbre, le mythique Rolemaster !
Conçu comme plus facile d'accès que Rolemaster, plus épuré et plus facile d'accès, HARP se veut également 100% compatible avec son "ancêtre" (et donc
également, avec tous les suppléments JRTM ou "Shadow World" parus !).
Last but not least, HARP bénéficie de son propre site, riche en aides de jeu, la "Harp
Vault" et surtout est disponible gratuitement dans une version "light" de 98 (!!!) pages : HARP Lite. Une solution idéale
pour quiconque souhaiterai tester ce jeu et une belle marque de confiance de l'éditeur !
II. L'UNIVERS :
Pour en revenir à Aecyr Gréne, Cormac Doyle a mis en ligne sur son site (www.aecyr-grene.org/index.shtml) une somme honorable d'informations.
Le "campaign Atlas", tout d'abord, présente la terre alternative (Aerd) où se situe le royaume de
Coryn, accompagné de plusieurs cartes tout en couleurs. Puis vient la description plus détaillée du royaume, subdivisé en plusieurs duchés, traversé par
des routes commerciales. Enfin, celle
du manoir d'Aecyr Gréne, de son
village et de son seigneur, le chevalier Sir Wuscfréa Raegenhere.
Ce manoir donne son nom au site et à l'univers de campagne, car il forme le point de départ de la campagne personnelle de l'auteur. Le résumé qui nous est donné, très bien écrit, permet de relever deux
facettes importantes de cet univers :
A. le triple choix 1) d'un univers "low-magic" (= magie très rare et peu spectaculaire), 2) d'une forte ressemblance avec le "vrai" moyen-âge historique et enfin 3) d'un
"humano-centrisme" exclusif. C'est-à-dire que le choix d'incarner des non-humains a ici été complètement écarté.
B. une forte influence du roman Ivanhoé et des guerres anglo-normandes. Dans Aecyr Gréne, Archambaud, roi de Provencare remplace Guillaume le Conquérant et la bataille
finale de Paeccelburga fait office de Hastings.
C'est là le point intéressant de l'univers et des parties que vous pourrez y jouer : plusieurs peuples différents, rivaux, voire ennemis, cohabitent sur la même terre... Comme l'explique, en
guise de présentation, Cormac Doyle sur le forum d'ICE :
"Occupied by a strange mixture of Dynndh clans, Provencarean feudal nobility and the Aetheleode former nobility and populous (all human), the kingdom is sliding into a sate of internicine
warfare as news of the King's demise filters out from the central Duchies"
Récemment envahi et dominé par les forces armées de Provencare, donc, le royaume de Coryn est également entouré de voisins pas forcément très calmes.
Ces peuples sont : les Norsoecic (vikings) au nord ; les clans Dynndl (celtes) à l'ouest et au sud ; enfin, à l'est, par delà la mer intérieure du continent de Coryn, se trouvent au nord les
Narvisc et Narvarisc (encore des vikings ? A moins que ce ne soient des germains ?) et au sud les trois royaumes de Rousillon, d'Andalucare et de Provencáre (bref, les équivalents de la
France, de l'Espagne et de l'Italie médiévales).
Ces références (du moins nominatives) installent l'univers du jeu, en se référant aux cultures de la vieille Europe médiévale (voir à ce sujet la bibliographie qui servit de référence à l'auteur). Elles
aident à créer une ambiance "historique" ancienne, renforcée par l'archaïsme de la langue et des noms (il existe même un guide de prononciation).
Les croyances religieuses, les rituels, l'histoire récente (accompagnée de l'indispensable table chronologique)
apportent un peu de relief à cet univers sympathique.
III. UN BILAN MITIGE :
Si Aecyr Gréne m'a plu et donné l'envie de vous en parler, tout n'est cependant pas parfait, loin de là. En effet, la "prise en main" de ce setting n'est pas vraiment facilitée
par l'auteur. Tout d'abord, le site manque de références utiles pour le MJ, d'informations, de guides lui permettant de s'approprier l'univers si particulier du jeu.
De plus, on manque d'informations sur le surnaturel, la magie et les monstres. Est-il seulement prévu que les personnages puissent rencontrer une dryade ? Un faune ? Un dragon ? Ou un
basilic ? Autre question : dans le cadre d'inspirations européennes, peut-on faire jouer tous les monstres du bestiaire rôlistique médiéval-fantastique ? Ou bien est-il préférable d'éviter
certaines créatures "hors-sujet" (le Rakshasha, d'origine hindoue ; le faune ou le pégase, créatures de la mythologie grecque antique) ?
Egalement, si le site présente en détail les personnages-joueurs de la campagne de Cormac Doyle, les PNJ, eux, ne sont quasiment pas décrits.
Même sentence pour les divers pays et lieux qui manquent cruellement d'épaisseur.
En fait, l'avancée dans la lecture donne ainsi au fur et à mesure une impression de creux, de vide à combler.
Alors ? Pourquoi parler de ce setting ? Bien que conscient de tous ses défauts, Aecyr Gréne m'a plu de par sa connotation celtique/saxonne. Il y a quelque chose du "Trône de Fer"
dans cette volonté affichée de "réalisme" pseudo-historique, dans ce choix forcené de typer les noms, de leur donner un accent, une prononciation...
Bref, il y a là des idées à récupérer pour votre univers de JDR méd-fan préféré. De même, l'absence de précisions permet de s'approprier plus facilement ce setting. Il y a un décor, sommairement
décrit. Des protagonistes, esquissés. Des PNJ (à développer, voire à créer avec leurs caractéristiques)... Plein de place de libre pour amener vos créations personnelles. Et la possibilité enfin,
de faire intervenir d'avantage le surnaturel.
Tel quel, je conçois Aécyr Gréne comme une agréable alternative pour les MJ tentés par des univers médiévaux (d'inspiration européenne), à connotation historique, comme
Pendragon ou Premières Légendes Celtiques, mais qui seraient rebutés par la
nécessaire recherche historiographique qu'induisent ce genre d'univers.
Aécyr Gréne apporte cette saveur historique, tout en se situant dans un univers totalement imaginaire, et en laissant de nombreux points à l'appréciation du MJ. Bref, c'est un
excellent canevas de départ, sur lequel des MJ un tant soit peu imaginatifs pourront "broder" leurs propres créations.