Amateurs d'univers "réalistes" et de règles de simulation précises et documentées, passez votre chemin ! En cette fin d'année 2010, le genre post-apocalyptique revient à la mode outre-atlantique et plusieurs JDR chargés en radium ont envahi les étals de nos boutiques préférées. Et attention ! Il ne s'agit pas là d'univers post-apo "réalistes", à la Mad Max. De fins du monde affreusement crédibles, telle celle décrite par l'écrivain Cormac Mac Carthy dans son chef d'oeuvre littéraire "la route".
Non. Il s'agit bien plutôt de JDR outrageusement funs, peuplés de mutants, de robots et de monstres tous plus délirants les uns que les autres, évoluant dans des décors en carton-pâte, tous droit sortis des série B et Z d'un Roger Corman (ou d'un Stan Lee, en l'occurence) sous acide. Au menu, des effets spéciaux. Des pouvoirs à foison. Des apocalypses-prétextes à tous les débordements visuels et scénaristiques. Bref, des lendemains de fin du monde totalement barrés.
Le genre post-apo revient en force, oui, mais totalement débarassé de toute considérations sérieuses et armé jusqu'aux dents de références à la culture pop de ces trente dernières années. Voyons de quoi il en retourne.
I. LE RETOUR DES JDR RADIOACTIFS MUTANTS :
I.1. Apparemment, tout semble avoir commencé avec la parution en 2008 de Mutant Future, second retro-clone créé par l'éditeur Goblinoid Games. JDRA gratuit de plus de 160 pages, Mutant Future est riche et vise définitivement la compatibilité avec Labyrinth Lord et les autres retro-clones de fantasy. Clone non-officiel de Gamma World, le jeu semble rencontrer un certain succès. Sans doute aussi parce qu'il est l'un des rares retro-clones à s'écarter du modèle D&D.
Pourquoi cet engouement autour d'un jeu old-school, aux règles d'un autre temps et aux graphismes cheap au possible ? Tout simplement parce que Gamma World, son modèle, est aux états-unis un jeu culte. Le fait est indéniable. Ironiquement, le jeu lui-même a "muté", à la manière des créatures qui peuplent son univers. Il est ainsi passé par plusieurs systèmes de jeu (AD&D, Amazing Engine, etc). Historiquement, Gamma World compte pas moins de huit éditions, parues chez TSR comme chez d'autres concurrents (pour plus d'infos, je vous invite vivement à consulter la fiche ultra-complète du GROG).
En 2010, tout s'accélère pour nos mutants du futur irradié.
I.2. D'abord, avec la parution de Earth Delta, un imposant sourcebook de 347 pages, conçu pour la quatrième édition de D&D ! Totalement gratuit, la version "alpha 1.5" cherche à recréer l'ambiance des deux premières éditions du jeu. D'ailleurs, la mascotte du jeu est un grizzli ailé pourvu de yeux lasers, et c'est un personnage-joueur !!! Mais Earth Delta veut aussi conserver concepts de règles de la fameuse (et si controversée) quatrième édition : but affiché : une compatibilité à 100% avec tous les suppléments parus jusque là. Le résultat force le respect : Earth Delta est archi-complet et propose de nouvelles classes, races, pouvoirs et talents, tout en reprenant les règles officielles de Wizards of the Coast.
Mieux, le jeu est encore en plein développement ! A l’heure où j’écris ces lignes, je viens de me rendre compte qu’une version Beta1, encore plus complète, a été mise en ligne ICI. Le fichier fait 10,7Mo et le livre bénéficie de nouvelles illustrations, plus que correctes. Un must have dont je vous recommande la lecture.
Plus d’infos sur le site de l’auteur et sur le forum (en anglais) de rpg.net.
Deux autres jeux font ensuite leur apparition, tous deux chargés à l’uranium. Cette fois, il s’agit d’ouvrages publiés professionnellement.
I.3. Primo, il y a le remarquable Atomic Highway, publié par Radioactive Ape Designs.
Petit miracle de l’édition indépendante, Atomic Highway est un JDR :
- Superbement illustré (je vous défie de ne pas avoir envie de jouer après avoir vu la couv’ du jeu. Et les dessins intérieurs sont tout aussi bons)
- fast, fun et furious… Bien que n'utilisant pas les règles de Savage Worlds ;
- Générique et paramétrable à loisir par le MJ. C’est à dire que ce dernier peut concevoir l'univers du jeu comme il l’entend. Avec ou sans radiations. Avec ou sans mutants. Avec ou sans voitures blindées équipées de mitrailleuses à la Car Wars. Atomic Highway propose, le MJ dispose !
- enfin, soutenu par un système de règles à la fois simple et élégant : le V6 Engine
A sa sortie, le jeu a rencontré un succès d’estime tant critique que public et a été rapidement rejoint par "Irradiated Freaks", un supplément à la sauce Gamma World, pour peupler votre univers post-apo d’animaux géants (des fourmis, des araignées, des tatous), de zombies mutants radioactifs, de végétaux humanoïdes et pensants, d’animaux anthropomorphes (chouette, une femme-girafe !) et de licornes irradiées volantes. Bref, c’est la fête !
Bonne nouvelle, Atomic Highway a séduit les éditions Icare par ses nombreuses qualités. Une traduction du jeu est donc en cours de préparation pour 2011. Les futurs fans (dont moi) espèrent que cette version française inclura dans un seul ouvrage le livre de base et Irradiated Freaks.
I.4. Secundo, Barbarians of Lemuria, qui fut traduit par Kobayashi et illustré par John Grumph, se voit nanti d’un supplément intitulé Barbarians of the Wastelands. Là encore, il s’agit de proposer aux joueurs de paramétrer leur univers comme ils l’entendent. Le livre est beau, tout en couleurs, sous couverture rigide, et bénéficie d’une iconographie variée, avec toutes sortes d’illustrations plus ou moins kitsch (mais vu le sujet de cet article, comment en être surpris ?) tirées d’ouvrages de SF. Problème, la simplicité de BoL semble en prendre un coup, remplacée par d’innombrables tables et règles optionnelles.
II. GAMMA WORLD IX, LE RETOUR DU PERE DES JDR RADIOACTIFS MUTANTS :
Finalement, après plusieurs mois d’attentes et de rumeurs, paraît en octobre la toute nouvelle édition de Gamma World, éditée par Wizards of the Coast.
Gamma World, le seul, l’unique, revient ? Oui, certes, mais sous une forme ludique bien différente de ses prédécesseurs. En effet, avec la quatrième édition de D&D, nos magiciens de la Côte ont inventé une nouvelle tendance : l’hybride mi-JDR, mi-jeu de plateau. La gamme Essential creuse ce sillon, qu’a emprunté à son tour FFG avec sa troisième édition de Warhammer. Dorénavant, les JDR se déclinent en coûteuses boîtes de jeu, remplies de pions, de cartes, de tuiles modulables et/ou de "battle maps", de figurines, etc. Ah oui ! Il y a aussi des livres de règles, de scénarios et (parfois), il y a même des feuilles de personnage !
Gamma World nouvelle génération est donc lui aussi de cette veine. Dans une grosse boîte au format carré, les joueurs trouveront :
- un livre de règles de 160 pages (avec scénario inclus) ;
- deux planches de pions représentant monstres et PJ (comme dans la nouvelle Red Box)
- deux plans tactiques quadrillés ;
- des feuilles de personnage imprimées sur carton rigide ( ??)
- des cartes de pouvoirs (là encore, comme dans la Red Box) ;
- un deck de cartes de mutations et un autre deck pour les butins trouvés.
Si le jeu s’avère fun, les cartes sont grimacer les fans : WotC double en effet son JDR d’un JCC. A savoir que les cartes de pouvoir s’achètent sous formes de boosters, et sont réparties aléatoirement, par ordre de rareté. Premier problème : les cartes sont moches, sans illustrations. Que du texte. De la part des créateurs de Magic, cela déçoit. Deuxième problème : les cartes sont vendues 4$ le paquet de 8. A titre de comparaison, un booster Magic est vendu 3,50$ avec 15 cartes à l’intérieur et une présentation beaucoup plus belle. Bref, c’est un ratage !
Pire, cette politique commerciale éhontée, fustigée par de nombreux rôlistes risque fort de tuer Gamma World dans l’œuf. D’autant plus que de nombreux fans ont développé "leur" version du jeu.
Et là, c’est la surenchère !
(... A SUIVRE)