Eh bien voilà ! Après bien des hésitations, bien des tatonnements et des erreurs, j'ai choisi de relancer ma campagne Labyrinth Lord. De faire un "relaunch" comme disent les producteurs américains. En clair, je reprend les mêmes personnages, le même cadre (Alarian), les mêmes joueurs (enfin, presque) mais je change complètement d'histoire, de lieu, d'ambiance, de narration.
La première session de ce "relaunch" ou "reboot" a eu lieu le samedi 10 décembre dernier et il m'a fallu un petit moment pour écrire un compte-rendu détaillé et agréable à lire de cette partie. C'est le premier de ma campagne. Ce ne sera pas le dernier (du moins, je vais tout faire pour ).
I. Bilans, faux-pas et questionnements divers :
Clairement, ma précédente campagne sur le Fleuve ne marchait pas. Les intrigues que j'imaginais étaient trop tordues pour mes joueurs. Ou bien trop complexes. Ou bien encore, tout simplement, leurs personnages "n'avaient pas le niveau" nécessaire pour cela. Après tout, ils s'agit bien là d'un retro-clone, non ? D'un succédané de Donjons & Dragons. Or, les voilà, petits personnages débutants de niveau 1, escortant des navires marchands sur un fleuve autrefois sûr et très fréquenté, devenu depuis peu insalubre et dangereux.
Mon approche était fausse : j'aurais du leur faire faire des voyages sans histoire le long du fleuve. Leur donner une sensation de sécurité lorsqu'ils sont sur le fleuve. Qu'ils se disent : "prenons le fleuve plutôt que la grande route. Ce sera plus rapide, plus tranquille". Une fois ce postulat bien installé et mes personnages arrivés au niveau 5 ou 6, là, j'aurais pu mettre en place mes premiers incidents sur le fleuve Serpent. Alerter mes joueurs. Leur faire rencontrer des marins qui n'osent plus remonter sur leur navire. Mettre en place tout un système de rumeurs alarmantes. Bref, ce fut là ma première erreur.
Ma deuxième erreur fut sans doute d'avoir voulu écrire un scénario moderne. Un scénario avec des intrigues. Des complots dans l'ombre. Des luttes de pouvoir... Avec un jeu qui ne s'y prête pas. Ou pas forcément. Après tout, nous parlons là de Labyrinth Lord. Un jeu conçu pour faire du Portes, Monstres, Trésors. Taillé sur mesure pour des aventures simples (voire simplistes) à basse de ruines à explorer. De légendes à aller vérifier et de monstres terribles à affronter.
Enfin, ma troisième erreur fut sans doute de vouloir tout de suite mettre en place des règles maison, notamment importées de jeux de rôles modernes comme Savage Worlds. Lors de la dernière partie, notamment, j'ai eu le sentiment, parfois, d'en avoir trop fait : points de vie au maximum pour les persos de niveau 1, points de destin pour relancer les dés (3, renouvelables à chaque session), cartes d'aventure, usage du D30 au lieu du D20 (une seule fois par joueur et par partie). Toutes ces règles plus l'ajout de suivants ont rendu le jeu moins dangereux qu'il n'est en réalité. Moins mortel.
Du coup, il m'a fallu songer sérieusement à ce reboot. Avec une question existentielle en toile de fond : comment bien jouer à un retro-clone ?
II. Alarian "Reloaded"
Ma nouvelle campagne a donc pris place "classiquement" autour d'un donjon mythique (le repaire du sorcier Altsdorf), cachées quelque part dans la région, à proximité d'un petit village paisible. C'est là ma première concession aux clichés du genre : la nécessaire dichotomie de l'espace, partagée entre zones périlleuses (le donjon) et zone de repos (le village) où les PJ pourront se restaurer, reprendre des forces, se soigner, et acheter un meilleur équipement. Une formule vieille comme le JDR, qui doit remonter au fameux village d'Hommlet, situé tout près du Temple du Mal Elémentaire (Gary Gygax, 1979). Une structure ultra-efficace reprise, par exemple, dans les jeux vidéos Diablo (I et II).
Deuxième concession au genre : c'est également ma première tentative de mener un "Dungeon Crawl" et non de raconter une histoire taillée "sur mesure" et dans laquelle les personnages de mes joueurs seraient les héros.
J'ai donc généré des plans de donjons via un générateur aléatoire. Après quelques séances de brain storming (que faire de tous ces... Ces "trucs"), l'idée m'est venue d'assembler les différents plans entre eux, de remonter complétement certains plans (subdivisés en niveaux et sous-niveaux), d'imaginer un labyrinthe...
Ce fut une révélation ! Longtemps, j'ai cru que le "dungeon crawl" était une forme mineure/pauvre du JDR. Or, c'est archi-faux ! Un "dungeon crawl" est 100% compatible avec du roleplaying, de la narration, de l'histoire. On peut faire du grand JDR avec un donjon !
Car un donjon, c'est un peu comme un grand appartement dans lequel vous, MD, vous emménagez.
Lorsque je suis "arrivé" dans mon donjon, il était vide. Ce n'était qu'une succession de couloirs, de portes, de salles, tristes et sans âme... Or, l'âme du donjon, c'est le MD qui la détermine :
- Quelle est l'histoire du donjon ?
- Qui donc l'a bâti ?
- Qu'est-ce qui s'y trouvait, du temps de sa "splendeur" ?
- Quels événements s'y sont déroulés ?
- Comment a-t-il été abandonné ?
- Qu'est-ce qui s'y trouve encore ?
- Quels trésors y sont cachés ?
- Quelles sont les créatures qui y vivent ?
- Comment vivent-elles ensemble dans ces espaces contigües ? Lesquelles sont en conflit les unes contre les autres ? Lesquelles sont alliées ?
- Quelles sont les rumeurs autour du donjon ?
- Quels sont les mythes et des légendes ?
- Que s'est-il passé récemment dans le donjon pour qu'il attire l'attention des PJ et/ou Des PNJ (villageois, chatelains, sectes secrètes, ordres religieux ou ésotériques, etc.) ?
Plus vous répondez à ces questions, plus vous peuplez/décorez ce nouvel espace, qui devient peu à peu le votre. "Remplir" un donjon d'informations (odeurs, impressions, décors, ambiances), c'est en prendre possession. C'est l'enrichir avec son imagination. C'est le personnaliser, l'individualiser et lui donner vie petit à petit.
CONCLUSION :
Finalement, en jouant à un retro-clone, je me suis retrouvé confronté à des difficultés que je n'envisageais pas. Je me suis retrouvé face à un jeu "autre".
J'ai dû remettre en cause mes acquis, mon expérience, mes habitudes de jeu... Bref, je me suis redécouvert débutant. Du coup, je revisite le genre et tente des choses nouvelles pour moi avec à chaque nouvel essai de nouvelles interrogations à résoudre. De nouvelles problématiques à gérer.
Ainsi, lors de la dernière partie, mes personnages-joueurs se sont montrés bien trop puissants pour les monstres que je leur ai opposé. La faute m'en incombe. Mes gobelins, créatures lâches et sournoises, auraient du logiquement privilégier le combat à distance plutôt que l'attaque au corps-à-corps. Fuir dès qu'ils se sentaient en danger. Dresser des pièges et des embuscades. Ils étaient aussi trop faibles lors des combats. Toutes sortes d'erreurs auxquelles je remédiérai lors de la prochaine partie. D'autres monstres attendent mes joueurs dans les profondeurs du donjon. Plus dangereux. Plus résistants... Et la prochaine partie n'en sera que plus intéressante.
Au fond, c'est là tout l'intérêt que de se frotter à un genre ou à un style de jeu qu'on ne connait pas.
D'essayer un jeu narrativiste après des années de Rolemaster, par exemple.
Ou bien un jeu d'épouvante victorien après des années de Bloodlust ou de Stormbringer.
Je ne puis que vous encourager, vous aussi à tenter cette expérience. Jouez à un jeu qui ne vous parle pas, ou qui change de vos habitudes de jeu. L'expérience en vaut la chandelle, croyez-moi !
BONS JEUX A TOUS ET A TOUTES !!